Namasté ! Le mois dernier j’ai abordé la question de la méditation sous l’angle des bienfaits qu’elle produit sur le pratiquant. Aujourd’hui, j’aimerais vous donner des pistes pour entrer en état de méditation car comme je l’abordais dans mon précédent article, ce n’est pas chose facile que de passer d’un état de Concentration à un état de Méditation.
De quoi parle-t-on ?
Pour rappel, toute pratique d’asanas et d’exercices de pranayama sont là pour amener le mental à cesser le flux permanents des pensées en se fixant sur un point précis. Cette construction nous amène à progressivement nous plonger dans un état de concentration où seul l’instant présent compte pour le corps et l’esprit en fusion.
La Concentration, c’est une qualité de présence et d’écoute au souffle, à la sensation corporelle sans que pour autant le mental ne cesse de fonctionner. L’Etat de Méditation, c’est encore une autre qualité de présence qu’il est difficile de nommer tant cela relève du ressenti subtil. Il s’apparente à un profond sentiment de paix, à un état de satisfaction totale, de joie d’exister sans pour autant en chercher la cause ou les raisons. C’est l’évidence que tout est en place, que tout est à sa place, que tout est là, qu’il n’y a plus de pourquoi mais seulement un Parce que qui se suffit à lui-même !
Autrement dit, lorsqu’on atteint un état de méditation, on atteint le bonheur d’être, les béatitudes. Une connexion avec le Tout, un sentiment d’Amour et de Confiance absolu en ce qui est, un sentiment profond de Gratitude pour la vie.
Trataka : une technique de kriya-yoga
Trataka est une technique de Kriya Yoga – développement des facultés spirituelles par des techniques de bien-être et de purification – pour améliorer la vue, la concentration et glisser en méditation. Trataka en sanskrit signifie regard fixe ou immobile. Cette pratique invite à fixer un objet sans jamais cligner des yeux. Ainsi, en focalisant sur un point fixe (une flamme de bougie est idéal même si ce peut être autre chose), le mental se fixe uniquement sur un seul point, et l’état de concentration se rend accessible en peu de temps. Cela apporte une purification au niveau physiologique (système lacrymal) mais aussi au niveau du mental. Pour bénéficier de ses bienfaits, il est recommandé de pratiquer trataka en fin de séance de yoga juste après les asanâs et prânâyâmas .
Tout d’abord, il s’agit de fixer son regard sur l’objet choisi, ici, nous nous accorderons sur la flamme d’une bougie. Il faut placer la flamme à 50 cm des yeux, de préférence à même hauteur mais si vous ne le pouvez pas, mettez-la au sol, cela fonctionne quand même. Faites un maximum d’obscurité autour de vous. Comme pour toute pratique nous invitant à aller vers la méditation, il est important de s’asseoir dans une assise stable et confortable avec le dos bien redressé et la colonne vertébrale bien dans l’axe et étirée. Les genoux doivent être au sol sous le niveau du nombril. La posture du lotus ou du semi-lotus est idéale mais ce peut-être aussi sur une chaise ou en posture du diamant (vajrasana) en fonction des contraintes physiques qui sont les vôtres. Il faut utiliser la respiration ujjayi, la respiration qui fait appel au frein glottique sur laquelle le mental peut se reposer (voir explication ci-dessous).
Ensuite il faut vraiment veiller à fixer la flamme sans cligner des yeux le plus longtemps possible. Si l’envie est irrésistible, fermez-les un bref instant et reprenez l’exercice sans pour autant vous formaliser. Ne portez votre attention que sur la flamme et dès que le mental cherche à se détourner de la flamme, ramenez votre attention à la flamme uniquement. Il est conseillé d’utiliser une bougie au ghee (beurre clarifié) en fabricant un cordon en matière naturelle posée dans un récipient rempli de ghee. Sa combustion dégage une odeur très agréable de noisette et apporte une énergie très pure. Sinon, une bougie en cire d’abeille naturelle est déjà une très bonne base !
Si vous parvenez à ne pas cligner des yeux, des larmes vont apparaitre et engager ainsi une purification des toxines subtiles qui résident dans notre regard. Après 4 minutes de fixation du regard, fermez les yeux et laissez apparaitre la flamme dans la région d’Ajna chakra entre les sourcils là où l’on situe aussi notre 3ème œil (qui est la même chose qu’Ajna). Concentrez votre regard uniquement sur la flamme intérieure puis dès lors que l’image disparait, recommencez à fixer la flamme plusieurs minutes. Et recommencez ce cycle 3 à 4 fois en fonction de votre ressenti.
In fine, si nous sommes dans un état de concentration intense, ce va et vient entre extériorité et intériorité va vous amener à un état d’intériorisation profonde qui nous ouvre la voie vers dhyana, l’état de méditation profonde qui s’apparente à un ressenti d’absorption qui vient de l’intérieur et nous amène dans un ailleurs, une dimension de l’être subtile. Les effets peuvent ne pas se ressentir tout de suite et c’est au bout de plusieurs jours (ou mois !) que la puissance de cette pratique s’offrira à vous.
Ainsi, une fois que votre état de concentration est pleinement incarné, vous pouvez faire appel au son OM. Vous pouvez ainsi ouvrir la région du cœur à l’INSPIR grâce à ujjayi et à partir du cœur, chercher à diffuser cet état de lumière et d’amour en EXPIRANT à l’aide du son OM. Et ainsi, vous vous laissez emplir naturellement par l’Amour ou l’Intention d’Amour et vous laissez le son OM répandre cette intention et vous englober de sa puissance. A un moment, ce n’est plus vous qui commanderez ce va et vient, vous serez comme transporté par un phénomène plus grand que vous, laissez faire et entrez dedans.
La respiration ujjayi, « la victorieuse »
Ujjayi en sanskrit signifie la victorieuse, c’est aussi « le souffle du guerrier ». Ce prânâyâma permet à tout yogi ou yogini d’entrer dans une pratique de façon plus fluide, plus interiorisé-e. En effet, le son que procure cette technique respiratoire invite le mental à se concentrer sur le souffle uniquement dont le son rappel le souffle puissant de l’océan.
Pour placer l’ujjayi, il est préférable d’être en position allongée sur le dos (shavasana ou posture du cadavre) ou debout, en posture de samasthiti (être debout) afin d’avoir un alignement de l’axe vertébrale. Le menton est rentré vers la fourchette sternale. L’idée est de faire passer l’inspiration et l’expiration par les narines en freinant le souffle dans la gorge. On appelle cela le frein glottique. Pour vous aider à freiner l’air avec la glotte, vous pouvez tirer en arrière votre langue comme si vous vouliez la faire reculer vers le fond de la gorge et inspirer ainsi en visualisant l’air passant par ce frein.
Vous devriez entendre un son rauque, significatif, puissant, d’où son nom de victorieuse ! Gardez cette présence au souffle tout au long de votre pratique. Vous ressentirez les effets immédiats dans vos postures où la concentration est ainsi maximisée par cette attention au souffle. Pour le mental, le fait de s’identifier au souffle permet au corps d’aller plus loin dans les postures et les sensations subtiles que les asanas procurent.
Le fait d’amener en conscience prâna ( la respiration, le souffle de vie) dans chaque cellule de notre corps physique permet un relâchement de toutes les tensions et nœuds émotionnels auquel le mental s’identifie et permet ainsi au mental de s’élever au-delà des sensations physiques afin de rendre l’esprit disponible à recevoir d’autres informations, d’autres ressentis précurseurs de ce dans lesquels nous plonge l’état méditatif. Ujjayi nous ouvre les portes subtiles d’une réceptivité accrue nécessaire pour entrer dans dhyana.
Les postures d’inversions : Vers un état de conscience intériorisé
Les différents courants de yoga qui tirent leur origine du HATHA-YOGA offrent une place prépondérante aux postures d’inversion car elles ont un rôle capital qui reflète l’essence de la pensée yogique. Cet extrait tiré du texte de la Hatha-Yoga-Pradîpikâ, CHAP III, strophes de 77 à 82 nous apporte un éclairage :
« Toute l’ambroisie qui s’écoule de la Lune à la divine beauté est, sans rien excepter, dévorée par le Soleil… Pour la personne dont le nombril est en haut et le palais en bas, le Soleil se trouve au-dessus et la lune en-dessous… Cette posture est appelée posture inversée. Celui qui met en pratique cela pendant trois heures conquiert la mort. »
En d’autres termes qui parlerons mieux à nos cerveaux occidentaux, la Lune représente le monde intérieur, le féminin, l’Intuition, l’Energie créatrice invisible et est située dans la tête. Le soleil symbolise le masculin, le feu vital, l’énergie de l’action et se situe dans la région d’apana, sous le nombril. L’objectif même des pratiques d’inversion consiste donc à renverser la tendance naturelle du vieillissement et du soleil qui finit par s’éteindre. Afin de conserver l’énergie de l’action, le yoga propose de retarder le processus naturel par lequel nous précipitons notre mort en laissant s’éteindre notre feu vital où l’ambroisie qui renferme l’Energie de la création tombe sur le feu et l’éteint peu à peu.
Pratiquer les postures d’inversion nous invite à conserver notre Intuition, nos facultés de perception du monde intérieur, notre pouvoir de se connecter à des dimensions plus subtiles de l’existence. En effet, cela ralentit notre dépense d’énergie et l’emploi du feu vital vers des actions extérieures à nous-mêmes et à notre être. Le but du yoga étant de nous permettre d’accéder à notre vraie nature, de réaliser notre nature « divine » et d’en expérimenter les dimensions subtiles, les postures d’inversion nous conduisent tout droit dans un état de concentration où notre attention est dirigée en nous-mêmes.
L’état méditatif peut facilement en résulter après être resté en statique plusieurs longues respirations en posture d’inversion. C’est là une porte d’entrée à tester à la portée de tout un chacun-e. Parmi les postures d’inversion, vous pourrez pratiquer la chandelle (Salamba Sarvangasana), l’équilibre sur les mains (Adho Mukha Virksasana), le poirier (Salamba Sirsasana), mais il existe des postures plus douces qui sont plus accessibles pour les débutant-e-s. Tenir la table à deux pieds (Dvi Padapittam), faire le chien tête en bas (Adhomukha Svanâsana) ou se pencher en flexion vers l’avant jambes tendues peut déjà préparer en douceur à l’inversion.
J’espère vous avoir apporté des pistes de pratiques pouvant faciliter le passage d’un état de Concentration de qualité à un état de Méditation plus perceptible grâce à ces trois axes concrets. Il en existe bien d’autres dans l’enseignement du yoga et notamment l’usage des Mantras qui feront l’objet de mon prochain article.
Belle pratique à vous et que la méditation s’empare de vous.